Après quelques semaines à la tête du département ministériel de la jeunesse, des sports et des loisirs, le nouveau ministre Didier Akplogan,arrivé en pleine crise du football béninois a bien voulu s’ouvrir à l’Autre Quotidien sur sa politique et sa vision des questions du sport, de la jeunesse et des loisirs. Il apporte des éclairages sur la gestion de la crise du football, sans langue de bois.
Vous avez été nommé ministre il y a quelques semaines, donc vous êtes passé du poste de conseiller à la communication à la présidence de la république à celui de membre du gouvernement. Quelle est la différence ?
Il faut dire que le ministre est le premier conseiller du président de la république donc pour passer du poste de conseiller à celui de ministre, la différence réside dans l'action. Au poste de ministre vous devez passer à l'action directement, vous devez agir. Passer du rôle de conseiller où vous faites faire, à celui de ministre ou vous devez mettre la main à la pâte, il faut reconnaître que c'est un apprentissage, un cheminement. C'est comme si vous étiez au bord d'un terrain à commenter un match, vous devenez du coup le meilleur. Là j'ai passé mon temps à conseiller le président de la république, à discuter avec les ministres, aujourd'hui je suis dans l'action. Il faut que je puise appliquer dans ma position actuelle, ce que je conseillais.
Ministère des sports : « C'est un département important qui n'en donne pas souvent l'air »
Vous êtes arrivé en plein dans l'action dans une crise dans le football, mais avant d'aborder cette crise, dites quelles sont vos priorités ?
La réflexion doit précéder l'action. Pour le moment au plan de la réflexion, tout n'est pas encore parfait. La politique de la jeunesse, la politique des sports, la politique des loisirs tout n'est pas encore en place. Il y a des initiatives qui ont été lancées mais rien encore de concret. Donc il faut une stratégie qui s'inspire de tout ce qui a été fait jusqu'ici, de la politique du chef de l'Etat qui met en place des réformes. Donc nous allons peaufiner une politique générale, mettre en place des principes. Et de tout ceci découlera un plan d'actions que nous tâcherons de sortir au plus tôt et d'appliquer dans le cadre de la mission qui incombe à notre ministère. Je suis pressé de vous dire, qu'en ce qui concerne le sport, ma priorité c'est la formation à la base. Parce que si on veut faire des résultats, dans un avenir proche ou lointain, il faut cela. Il faut remettre les cadres en place, pour espérer avoir un résultat suivi. Les gens le font autour de nous si nous ne le faisons pas à notre tour, nous serons des éternels derniers. C'est un département important qui n'en donne pas souvent l'air. Je le résume comme ceci : vous savez que la population jeune est la plus importante en effectif dans notre pays. Nous prenons ces jeunes en charge quand ils ne sont pas à la maison, ou quand ils ne sont pas à l'école, quand ils ne sont pas à la disposition du ministre de la famille, quand ils ne sont pas à la charge des ministres de l'enseignement. La vie des jeunes se passe avec nous. Mais comment est-ce que nous organisons cela ? Il y a un ensemble de choses sur lesquelles le ministère doit intervenir parce que c'est notre responsabilité.
« Le sport occupe la majeure partie de la popopulation mais n'a jamais eu 0,5% du budget national » Alors dites-nous sont-ce des questions de moyens ou d'organisation ?
Je dirai l'un et l'autre. Je disais tantôt que la réflexion doit précéder l'action. Il faut avoir une politique, il faut avoir un plan, mais il faut surtout avoir les moyens. Je me demande si même en période de crise économique, on ne devrait pas classer ce ministère parmi les prioritaires parce que la plus grande partie de la population est ici. Nous occupons la majeure partie de leur temps mais pourtant nous n'avons jamais eu 0.5 % du budget national. C'est paradoxal, mais je peux comprendre parce que nous n'avons jamais mis une véritable politique en place. Nous sommes en train de mettre cette politique en place et nous allons demander les moyens qu'il faut. Peut-être que cela aboutira, ou pas. Mais nous allons mettre cette politique en place. C'est un ensemble de choses : la ressource humaine, la formation, les infrastructures, les évènements, etc. Tout cela fait qu'on a besoin de moyens, de gros moyens.
Revenons à la crise du football, quels sont vos sentiments par rapport à cette crise qui paralyse le sport-roi et comment envisagez-vous régler cette cacophonie, pour éviter le gaspillage des énergies et de l'amour du public pour le football ?
Avant d'aborder la crise, je voudrais poser des principes, des bases. Le premier est que je suis ministre de la jeunesse, des sports et des loisirs. Je ne suis pas que ministre des sports, même si je faisais abstraction du reste, et que je suis ministre des sports uniquement, aujourd'hui j'ai 22 fédérations à gérer, et le football n'est qu'une discipline. Et si j'avais décidé de faire abstraction des 21 autres disciplines pour ne retenir que le football…Si je n'étais que ministre du football, rien que dans le football, j'ai celui des jeunes, des femmes, des étudiants, des militaires à gérer ainsi que les infrastructures sportives. Il y a un paquet de choses dans le foot. Donc la fédération de football est très importante. Mais je n'ai pas que ça à faire, je vais lui consacrer le temps qu'il faut mais cela n'occupera pas l'essentiel de mon temps et n'occultera pas les autres fédérations qui ont aussi besoin d'attention. Ceci dit, mon choix n'est pas d'ignorer la crise qui secoue le foot. Et le foot ne peut pas se développer dans la crise. D'entrée, je vous dis que moi je ne suis pas juge, je ne suis pas magistrat. Donc je ne peux pas juger de qui a raison ou non. Et je réalise aujourd'hui que c'est ce que les gens attendent de moi et ils n'auront pas ça de moi. Et même s'il y a eu des fautes à des endroits, il y a des personnes compétentes pour décider dans notre pays. Le pouvoir judiciaire est séparé de l'exécutif. Les fédérations sont des associations régies par la loi 1901. Elles ont leurs règles bien précises. Il existe également des structures faîtières, comme la Caf et la Fifa pour le foot qui ont leurs principes et méthodes. Nous avons le devoir de faire un certain nombre de choses qui permettent de concorder pour y arriver. Aujourd'hui, s'ils ont un conflit, qu'ils règlent ça entre eux, qu'ils aillent aux tribunaux, à la Caf et la Fifa s'ils le veulent. Mais nous avons le droit de veiller à l'ordre public. Tant qu'ils n'ont pas troublé l'ordre public, nous n'intervenons pas. Je veux dire que le fond de la question est en cours d'analyse, que le TAS statue. Tout ce que nous voulons, c’est que le football se poursuive dans le sens du progrès, c’est qu’il n’y ait plus de bruits, qu’on puisse se donner la main. Nous voulons que les deux parties puissent se parler afin que nous ayons un seul championnat et que les jeunes qui sont derrière, nous puissions les former, et leur présenter le bon exemple. Il faut qu’on puisse libérer, dégager le terrain.
Mais est-ce que vous vous sentez soutenu dans cette action de réconciliation des deux parties que beaucoup de choses divisent ? Avez-vous des appuis parce que tout seul ce n’est pas évident ?
Il n’y a pas de langue de bois, je suis ouvert. J’ai rencontré les parties protagonistes, les extrémistes et les modérés. Je crois que les têtes de pont ne sont pas des extrémistes. Donc nous avons engagé les discussions. Et dans les négociations, il y a toujours les moments où certains bluffent, ou intimident, certains utilisent, à profit, ce moment pour qu’on puisse avancer. Mais toujours est-il qu’il y a des personnes solides sur lesquelles on peut compter dans la négociation. Parce que j’aurais souhaité, qu’on trouve une solution interne plutôt que de nous battre à l’international. Et j’ai eu d’autres initiatives venant de joueurs, d’enfants, de personnes de certains niveaux qui pensent exactement comme l’Etat, et qui vont nous aider à trouver des solutions. Mais il faut qu’on y aille vite parce qu’on n’a pas beaucoup de temps.
« Je ne laisserai jamais faire deux championnats, ni deux fédérations dans notre pays »
Vous n’êtes pas pour deux championnats, le pays doit-il attendre indéfiniment que les dirigeants règlent leurs contradictions ?
Il faut clarifier certaines choses, on dit que le ministre a interdit les championnats et fermer les stades. Je n’ai pas eu besoin de faire ça. Des deux parties, il y en a une qui a nommé un directeur de ligue ; ils ont initié des championnats, ce que j’ai découvert dans la presse. Ils ont oublié que le ministère des sports existait, que l’Etat pouvait contribuer d’une manière ou d’une autre. C’est quand ils ont buté sur les portes fermées des stades, qu’ils ont trouvé la nécessité de nous adresser des courriers pour annoncer la reprise des championnats. Mais je vous invite à aller voir l’état des stades. Nous venons de récupérer le stade René Pleven d’Akpakpa. Quand il pleut la pelouse est impraticable. Donc un peu partout, c’est comme ça. Nous avons besoin de travailler sur les infrastructures. Moi, personnellement, je ne laisserai jamais faire deux championnats, ni deux fédérations dans notre pays. Mais toujours est-il que si quelqu’un essaye de faire obstacle à la réconciliation, nous nous opposerons à la personne.
On reproche au gouvernement de trop investir dans le football qui déçoit évidement ; pensez-vous investir dans les autres « petites» disciplines qui parfois ramènent plus de résultats, comme les handballeurs qui ont récemment été médaillés de bronze en Inde et qui sont en partance pour la Grèce ?
Le handball n’est pas une petite discipline. Il n’y a pas de petite discipline. Seulement que le football a pris de l’avance en s’imposant chez le public, c’est le sport-roi. Dans notre pays, c’est le sport qui a le plus vite avancé. Alors je ne vais pas dire qu’il y a trop d’argent dans le foot, il n’y a pas assez d’argent dans le sport. Et malgré tout ce qu’on investit, cela ne suffit pas pour développer le foot. Même si en évaluant l’effort financier de l’Etat, on doit reconnaître qu’il a assez fait. Il faut aussi féliciter ceux qui ont apporté des moyens. Je pense à Sébastien Ajavon, qui a boosté le foot. Il faut féliciter Moucharafou Anjorin et les autres. Ils ont tous fait ce qu’ils peuvent. Aujourd’hui je pense qu’il faut trouver avec l’Etat le moyen de s’entendre pour mieux faire. Nous avons environ 0.4 % du budget national au ministère des sports. Il faut trouver le moyen d’élever jusqu’à 1% pour relever le foot et les autres disciplines. Maintenant il y a les ressources additionnelles qu’il faut redistribuer. Ces ressources, on peut les trouver auprès de tous les organismes qui investissent dans la jeunesse et les sports. « Nous n’avons pas peur des instances internationales »
En septembre prochain les Ecureuils jouent le Burundi, comment pensez-vous régler la question de la direction technique nationale ?
Vous voulez me pousser à dévoiler les plans que nous avons ! Et nous ne pouvons pas avancer à visage découvert, à cause de la crise de la fédération de foot, parce que nous ne voulons pas griller ces plans. On ne peut pas choisir quelqu’un sans qu’il ne plaise ou déplaise à l’autre. Et il y a un ensemble d’éléments qui font que nous sommes obligés d’anticiper. Nous pensons à des solutions qui sont en cours et que nous ferons accepter au moment opportun aux acteurs du foot, s’ils arrivent à se réconcilier. Ils nous ont aussi proposé des plans qu’on a rejetés. Il faut être honnête, les deux matches restants dans les éliminatoires ne sont pas fondamentaux. On ne compte pas sur ses matches pour aller à la Can, on joue par fair-play. Le Bénin va jouer ses matches pour respecter ses engagements, pour ne pas être lâche. On n’a plus de chance de se qualifier, mais nous allons jouer sans y consacrer énormément de moyens. Nous mettrons juste le nécessaire qu’il faut. La Can 2013, n’est pas très loin, la préparation va commencer début 2012, donc si nous n’anticipons pas, nous aurons la tête dans l’eau. Mais tout ceci passe par une solution à la crise, et sans douleur. Nous n’avons pas peur des instances internationales.
« S’il y a des gens qui leur ont pris des sous, pour les installer dans des situations irrégulières, ils pourront s’entendre eux!»
Le pape d’accord mais le pain d’abord, le stade de l’amitié et ses exploitants grognent contre leur déguerpissement. Est-ce possible de trouver une solution intermédiaire ?
Je ne sais pas ce que vous appelez solution intermédiaire. Je constate qu’il y a des baraques qui, non seulement obstruent la vue du stade, mais le rendent également insalubre. Nous allons tout enlever ; après si les gens ne sont pas contents il y a les lieux où on peut discuter de cela. Nous, nous pensons que c’est de notre devoir de rendre l’endroit viable. Les gens pensent que c’est de leur droit de les occuper et nous allons faire ce que nous devons faire. Nous représentons l’Etat, et nous défendons le patrimoine de tous les citoyens. Le dialogue reste ouvert pour qu’on puisse chercher les solutions à ceux qui seraient victimes de ce déguerpissement et qui ont eu des problèmes à un niveau donné. Ce n’est pas seulement une question liée à l’arrivée du Pape, quand cette sommité de l’Eglise catholique va se déplacer, le monde entier aura les yeux braqués sur le Bénin, mais encore sur ce stade destiné au sport mais qui servira de site à la grande messe. Un événement à résonance mondial que le Bénin se doit de gérer dans l’honneur et la sécurité. Le ministère et le stade se sont mis d’accord pour faire une ceinture de boutiques. Avec cette ceinture de boutiques, les gens n’ont pas tous respecté les accords. Nous y viendrons, qu’ils prennent patience, tout le monde va se mettre en règle. D’un autre côté, la ceinture extérieure que les gens ont créée avec le concours de certaines personnes de l’administration, nous ne pouvons pas la tolérer. S’il y a des gens qui leur ont pris des sous, pour les installer dans des situations irrégulières, ils pourront s’entendre. L’Etat fera le mieux pour les aider à se repositionner aujourd’hui c’est impératif !
Quelle image aimeriez-vous qu’on garde de votre personne, après votre passage ?
J’aimerais ne pas passer inaperçu, en conduisant des réformes. J’aimerais, dans les années à venir, si je n’étais plus ministre, que je puisse aller au stade ou regarder à la télé mon pays gagner grâce aux actions que j’aurais menées. Et je serai fier, parce que les Béninois pourront dire que nos réformes ont marché. Ç’est cela que je pense. C’est surtout l’image que je voudrais qu’on garde de mon passage au ministère de la jeunesse, des sports et des loisirs.